« Un monde sans femmes », court métrage de G. Brac

Qui n’a jamais rêvé d’un monde sans femmes ?

Bon, pas moi évidemment. En tant qu’handicapé du repassage à la centrale vapeur, de la vaisselle à dégraisser, du rafistolage de chaussette trouée et autre récurage de toilettes entartrées, je me vois mal finir ma vie à essayer de gagner en compétence dans ces champs diverses de mon ignorance (crasse).

 

En fait, je ne sais pas pourquoi je vous dis ça (je crois que j’aime bien l’idée que mes nombreuses lectrices commencent cette lecture en me méprisant, afin que l’estime qu’elles me portent soit obligatoirement sur une courbe ascendante (même si je pense quand même en avoir perdu une partie en route)), puisque ce court métrage à deux minutes près (58 minutes quand même) ne parle pas du tout de ça.

 

C’est ce qu’on appelle un film de plage, un peu à la Rohmer (tendance « Conte d’été »), à la fois léger et profond. Qui parle de la vie et de ses mille subtilités, mais en l’effleurant, en prenant le temps, le temps de camper des personnages, des situations, de les voir se développer à leur rythme.

 

L’histoire tient en deux lignes. Petit instantané (genre photo) : une mère et sa fille viennent prendre quelques jours de repos au bord de la plage et sont accueillies par un jeune homme (Sylvain) mal dans sa peau qui leur loue un appartement avec vue sur la mer. Ils se croisent, se cherchent, se trouvent en ne faisant que s’effleurer. Il ne manque plus que le bellâtre de service (et policier en quête de plaisir de surcroît) pour que le trio amoureux se complexifie légèrement dans un superbe quatuor où chacun a son rôle à jouer et ainsi transformer le tout en un mini-drame amoureux.

Bon OK, ça fait plus que deux lignes, mais j’ai jamais été le roi de la synthèse (ni de photo d’ailleurs, je vous parle même pas de photosynthèse, toutes mes plantes ont crevé chez moi).

 

La beauté du film de G. Brac, c’est d’abord son tempo. Un truc qui vous enveloppe et ne vous lâche plus. Il saisit avec délicatesse toutes les hésitations, les manques (d’amour, de confiance), et les incompréhensions qui constituent le sel d’une balade sentimentale sans retour.

Puis viennent les personnages, avec leurs blessures, surtout le héros (si l’on peut dire), tout en rondeur et en résignation muette (formidable Vincent Macaigne, acteur montant de la scène indépendante, qui ressemble autant à Melvil Poupaud que moi à Brad Pitt). Les deux femmes sont formidables aussi : le feu et la glace, la mère tout en exubérance et la fille tout en retenue et en grâce (formidable scène où la fille blonde et fragile mime la mère pouffe et brune lors d’un Pictionnary alcoolisé).

 

Ce qui touche, au-delà de la justesse de ton, c’est que chaque personnage renferme un peu comme chacun de nous l’enfer et le paradis : la mère exubérante et aimée devient violente par mépris d’elle-même et de sa peur de l’amour, tandis que le loser un peu gras devient touchant.

Les deux femmes de ce court presque long deviennent des sortes d’anges descendues du ciel et qui provoquent une déchirure dans le réel de notre héros.

 

Finalement, après réflexion, le titre est parfait. Un monde sans femmes, ce serait comme une brique sans lait (bonjour l’image), une plage sans vagues, un loser sans espoir de rémission, un trou noir sans fontaine blanche (bis repetita).
Un peu comme une vie sans folie.

 

Ce que l’on retiendra de tout cela, ce sont des scènes comme des flashs : la maladresse et la mélancolie de Sylvain lorsqu’il prend la main de la mère et ne sait qu’en faire, la grâce que l’on croit indifférente de la fille et son regard ému, la mère qui se rebelle contre ses propres errances mais ne sait comment échapper au destin qu’elle s’est choisie par lâcheté.

 

Une bien belle balade.

 

 

15 réponses à “« Un monde sans femmes », court métrage de G. Brac

  1. Que dire de plus que ton résumé sur ce court métrage qui fera date (d’ailleurs, il a reçu quelques récompenses !). Ta critique est très juste.
    On sent la direction d’acteurs, le décor naturel qui amène les sentiments à se dévoiler, le jeu subtil que l’on peut retrouver au théâtre, le déroulé qui s’inverse à la fin … enfin tout. De belles images, une émotion palpable et très sensuelle … Un bon moment de vrai cinéma.
    J’ai aimé … aussi … beaucoup.

      • Les nourritures terrestres, c’est bien aussi 🙂
        Je rajouterai que le lieu a beaucoup d’importance. Je trouve que les couleurs normandes et la proximité entre les habitants de cette petite ville balnéaire vont bien à cette histoire. Bref, bon casting sur tous les fronts.

  2. J’aime assez l’idée du : à la fois léger et profond…….
    C’est plutôt joliment écrit, ce résumé.. J’vais chercher si je trouve ce monde sans femmes.. S’il me reste encore un peu de temps pour le faire 🙂
    Quant à la photosynthèse, là, chapeau… je m’incline…. en machouillant un chewing-gum à la chlorophylle..
    Adieu JF…….. Pit-être à demain ??

  3. Pas trop le sujet mais quand même très lié : après « le marin masqué » et « la vie au ranch » , Sophie Letourneur sort « Les coquillettes « .
    A découvrir sans modération je pense …

  4. Ça y est ! Le film de Guillaume Brac sort aujourd’hui avec son acteur fétiche, Vincent Macaigne : « Tonnerre ».
    Je pense qu’on va encore découvrir du beau cinéma.
    A bientôt alors pour un billet dans la rubrique « j’aime » j’espère.

  5. Voilà. J’ai vu Tonnerre.
    On retrouve bien le côté loser des films de G. Brac et de son acteur fétiche V. Macaigne.
    Un film tendre, douloureux. L’émotion y est et ressemble à la période du film, l’hiver : on attend, on se surprend, on remémore des souvenirs anciens, on essaye de comprendre l’abandon du père de la jeune femme, on avance à petit pas, doucement, dans cette belle neige du Morvan.
    Moins de légèreté qu' »Un monde sans femme » qui se passait en été.
    Mais j’ai bien aimé, bien que le côté polar vers la fin du film est un peu trop poussé à mon gout.
    Les acteurs sont tous très bien et j’ai découvert un Menez dans le rôle du papa que je ne soupçonnait pas : une belle surprise.

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