A la découverte du gourou d’entreprise

 

« La pensée est révolutionnaire »

Le gourou.

 Guru

Cet été, je vous propose un petit voyage (ma générosité me perdra). Oh pas très loin, l’idée n’est pas d’aller bronzer sur une plage de sable blanc, même si vous en crevez d’envie, mais plutôt de vous ouvrir les portes de ce monde mystérieux qu’est la grande entreprise.

Pour ce premier rendez-vous (ça sonne très romantique, je vous sens tout(e) excité(e)), je vous propose de vous introduire (votre excitation ne s’arrange pas) à la faune de cet univers étrange (tiens, là ça vient de retomber d’un coup). Et en parlant d’étrangeté, quoi de plus normal que de commencer par ce que l’on appelle communément le gourou d’entreprise.

Quel est cet animal ? Est-ce un mammifère ? Est-il issu de la mythologie ? Vient-il d’une autre planète ? Bout-il à 100° Celsius ?

Petite plongée apocalyptique dans l’univers inquiétant de l’entreprise moderne – de préférence cotée au CAC40 – et de sa non moins inquiétante faune…

 

 

Introduction à la « gourou attitude » – Gare au gourou

Le gourou est un maître à penser. A la fois poil à gratter, trublion et bouffon utile, le gourou est pourtant essentiel et beaucoup plus consensuel qu’il ne veut le prétendre. Il est le passage obligé et la caution nécessaire à toute étude qui se respecte (car en entreprise, on aime les études. D’ailleurs on passe souvent plus de temps à étudier qu’à faire, sans doute en souvenir de nos années passées sur les bancs des écoles – Dieu que ça nous manque, à l’époque on nous disait qu’on était intelligent, et la personne qui proclamait cette sentence avait même l’air d’y croire un peu (non, je n’ai pas fait le cours Florent)).

Personne ne comprend très bien pourquoi il est là et ce qu’il fait, mais c’est toujours vers lui qu’on se retourne, que ce soit pour des arbitrages complexes concernant des processus métier peu maîtrisés, ou pour toute question relative au nombre de feuilles nécessaire à un bon PQ. Il sait tout du fonctionnement de l’entreprise car il a ses réseaux, et il est de toutes les réunions. Malgré cela, sa valeur ajoutée réelle reste à déterminer (pour peu que quelqu’un ait envie de se palucher des équations avec trop d’inconnues). En effet, son fonctionnement est des plus complexes, car il est toujours là où on ne l’attend pas, et on ne peut jamais vraiment compter sur lui. En un mot comme en cent, quand on a besoin de rien, on sait où le trouver. Inutile de dire qu’on est rarement déçu.

 

 

Mais qui est le gourou ?

Le gourou est en général ce qu’on appelle un déçu de l’entreprise. Fin technicien ayant pas mal baroudé (surtout dans des contrées lointaines, où l’on ne pourra jamais confronter ses dires à la réalité), il se définit lui-même comme un expert (en quoi, on s’interroge toujours). Mais attention, là où l’expert « de base » maîtrise parfaitement un domaine particulier, et n’est jamais avare d’information, le gourou, lui, est expert en tout et prolixe en rien.

En effet, le gourou ne veut pas faire avancer les choses. Le gourou veut être gourou c’est tout (et attention à ne pas le gouroucer (blague nulle, première prise)).

Le gourou a la couleur du passé. Le cheveu poivre et sel, les yeux endurcis par le soleil de l’Afrique, le teint buriné par des années d’embruns à 0% (blague nulle, deuxième prise), il sait plaire aux femmes mais il n’est pas intéressé par la séduction. Il sait qu’il n’a pas besoin de ça, et s’intéresser à ce que les gens pensent de lui, c’est déjà s’abaisser un peu à leur niveau.

Le gourou est toujours très entouré. Il a notamment ses adeptes qu’il choisit la plupart du temps sur des critères très particuliers. Pour être plus précis, disons qu’il estime l’intelligence des gens à leur capacité à se faire évangéliser par ses propos. Plus une personne est effacée et n’a pas idée, plus cette personne développe une capacité à secouer la tête de manière inspirée en faisant « mmhhh » quand le gourou parle et plus le gourou l’aime. D’ailleurs, quand le gourou s’exprime, on entend toujours le murmure des adeptes qui berce l’auditeur vers un sommeil sans rêves.

 

 

Comment fonctionne le gourou ?

Le gourou ne dit pas ce qui doit être, il dit ce qui ne doit pas être. Ainsi, c’est comme une sorte de geopardy professionnel. Si vous voulez connaître une réponse particulière, il faut raisonner par l’absurde pour poser la question contraposée. Par exemple, si vous lui demandez « es-tu d’accord avec cela ? », il vous répondra par des citations de Jules Renard du type « Je ne suis pas sûr d’avoir le bon goût, mais j’ai le dégoût très sûr ».

Attention aussi à la forme de la question, car même s’il dénigre les gens qui s’intéressent plus au fond qu’à la forme, le gourou aime la sémantique. Il peut passer des heures à vous demander de reformuler une question, même s’il comprend pertinemment votre demande, car il aime éduquer les non sachant.

Le gourou aime le concept, la réalisation n’est pas son truc, il la laisse aux faibles d’esprits, exécuteurs de son génie créateur.

Le gourou aime les phrases mystérieuses et énigmatiques comme « Le divin est sans effort », qu’il ponctue souvent d’un silence qu’il espère lourd de sens. D’ailleurs il dit souvent « Quand j’arrête de parler, le silence qui suit est toujours de moi ».

Enfin, quand on lui pose des questions claires, le gourou aime changer de perspective pour faire comprendre qu’en tout, il faut savoir prendre du recul et que les choses n’ont guère plus d’importance que celle que l’on veut leur accorder.

 

 

Le gourou a-t-il foi en l’avenir ?

A cette question, le gourou répondrait « Un pessimiste est un optimiste avec un peu plus d’information ». On peut donc en déduire qu’il se définit plutôt comme un pessimiste.

 

 

Quelques mots pour conclure

En gros, le gourou nous emmerde, mais comme il connaît tous les bons restaus du coin, on évite de se fâcher totalement avec lui (surtout qu’il a souvent pris langue de pute en 2ème langue à l’école, et donc son pouvoir de nuisance est inversement proportionnel à son utilité intrinsèque).

 

Quand il est syndicaliste, c’est plus pénible. Il devient presque utile. Pour cela, il doit déchirer sa carte de gourou.

 

Heureusement cela reste rare, car au fond, le gourou a conscience de ses propres limites et sait qu’il ne sert à rien. Son absence d’utilité est la condition sine qua non de sa survie dans ce milieu hostile que constitue l’entreprise d’aujourd’hui.

 

Car le gourou a lu Socrate.

 

En tout cas, c’est ce qu’il dit.

 

 

8 réponses à “A la découverte du gourou d’entreprise

  1. J’aime beaucoup la pertinence, l’observation et l’humour qui me font reconnaître l’une ou l’autre situation vécue. A la réflexion, je me découvre des tentations en tant que fascinée et même d’autres en tant qu’apprentie-gourou… J’ose croire que c’est du passé… L’espérer du moins !

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